Weekly outline

  • Résumé

    Médecine narrative et transhumanisme représentent les deux pôles les plus extrêmes de la médecine contemporaine. La première, la médecine narrative, est l'héritière de l'approche traditionnelle, hippocratique,du soin ; la seconde est l'expression de la forme la plus avancée de la médecine scientifique d'inspiration bernardienne. Dans ce cours, nous étudierons l'espace qui sépare ces deux domaines à la fois éloignés l'un de l'autre et reliés néanmoins par de nombreuses connexions thématiques qui renvoient au cœur de l'interrogation philosophique contemporaine. Ainsi, par exemple, la notion de narration et de récit de soi renvoie à une ipséité constitutive de l'humain que le transhumanisme ne parvient pas à formaliser en raison des bases sur lesquelles il repose. La médecine narrative est ainsi fondée sur ce que le transhumanisme ne peut aborder. Médecine narrative et transhumanisme doivent être pensés dans leur complémentarité plutôt que dans leur opposition. C'est la thèse qui sera défendue dans ce cours. Mais surtout, on cherchera à identifier les configurations de l'histoire des idées sous-jacentes à cette situation. On sera ainsi amené à reprendre en détail l'histoire de la phénoménologie, depuis sa fondation jusqu'à ses plus récents développements.

    Présentation : ici

    • 1 octobre

      Place de la médecine dans la réflexion éthique et épistémologique contemporaine

      Présentation générale du cours. Répartition des exposés. Origine de la médecine narrative. Ses liens avec la notion d'identité narrative développée par Paul Ricoeur. La problématique du récit historique : qu'est-ce qu'une histoire ? En quoi une histoire peut-elle modifier le rapport que les individus entretiennent avec eux-mêmes ? La naissance de la médecine scientifique et son impact sur les pratiques traditionnelles de la médecine. Médecine hippocratique et médecine bernardienne : les deux paradigmes fondamentaux de la pratique médicale. Place de la médecine narrative entre ces deux paradigmes.
      • 8 octobre

        Fondements philosophiques de la médecine narrative

        Présentation de Rita Charon et de son travail à partir de 2005 à l'Université Columbia à New York. La médecine narrative conduit à poser la question plus générale : qu'est-ce qu'une connaissance narrative ? Quel genre de connaissance réside dans une narration ? Reprise des textes de Rita Charon et mise en évidence de la proximité thématique avec les analyses de la notion de récit que propose Paul Ricoeur dans Temps et récit. A partir de ce texte (et notamment du volume II de Temps et récit, on suivra les indications qui renvoient à Être et temps de Heidegger pour souligner le lien qui existe entre les analyses que Ricoeur consacre à la temporalité et la notion de récit que développe Ricoeur. Il s'agit, en somme, de faire une généalogie philosophique des thèmes développés par Ricoeur. Cette analyse conduit à identifier l'ipséité comme thème directeur de la notion d'identité narrative.
        • 14 octobre

          La notion d'identité narrative

          Le cours s'attachera à préciser la notion d'identité narrative particulièrement développée dans le livre de Paul Ricoeur publié en 1990, Soi-même comme un autre. En suivant les analyses de Ricoeur lui-même, on sera conduit reprendre les premières élaborations de la notion d'identité personnelles qui se trouvent dans l'Essai sur l'entendement humain de John Locke, publié en 1690. On insistera particulièrement sur la seconde édition de ce livre qui contient une addition notable : le chapitre 27 du livre II. Ce chapitre contient la première définition de l'identité personnelle qui lie celle-ci à l'histoire de l'individu. Elle a fait l'objet d'un commentaire approfondi par Etienne Balibar qui a retraduit le chapitre et publié un commentaire critique détaillé. On montrera de quelle façon Ricoeur rectifie les analyses de Locke et on montrera comment cette rectification se nourrit de sa lecture de Heidegger. C'est tout l'apport de la notion de Dasein et de temporalité qui se trouvent ici mis en relief.

          Exposé : Hadrien Marcy sur La nature et la règle, Jean-Pierre Changeux et Paul Ricoeur

          • 22 octobre

            La notion de discours intérieur et son élaboration théorique et littéraire au vingtième siècle

            On reprendra la généalogie de la notion de "discours intérieur" à partir de Victor Egger, auteur, en 1881, d'un livre intitulé La parole intérieure, en montrant comment ce livre a conduit à un courant littéraire puissant et varié qui va se développer surtout à partir de la publication du livre de James Joyce, Ulysse, en 1922. Joyce indiquera à Valéry Larbaud l'importance qu'a pu avoir, pour lui, la lecture d'un petit livre passé presque inaperçu lors de sa parution, en 1886, le livre d'Edouard Dujardin intitulé Les lauriers sont coupés, qui fait déjà usage de la technique du discours intérieur. Dujardin, qui appartient au mouvement symboliste et qui a lu l'essai de Victor Egger, a ainsi été à l'origine d'un des courants les plus influents et les plus marquants de la littérature du vingtième siècle. On introduira à l'analyse philosophique de ce courant d'analyse et d'expression littéraire.

            Exposé : Martin Vidy sur Principes et pratique de la médecine narrative (chap 3 et 4 par Craig Irvine et Danielle Spencer)

            • 29 octobre

              La notion de double éclairage et son intérêt pour l'analyse du transhumanisme

              A partir des analyses développées dans le cours précédent, on cherchera à préciser la notion de double éclairage née de la possibilité de faire se rencontrer des analyses littéraires et des analyses philosophiques en montrant le parallélisme qui peut exister entre les deux. Pour cela, on reprendra tout d'abord les premières élaborations théoriques du transhumanisme en reprenant les arguments d'Alan Turing dans un texte fameux de 1950 qui pose, pour la première fois, la question de savoir si une machine pourrait penser. On montrera que ce texte procède à une esquive philosophique de la question centrale qu'il soulève, en réalité : la question qu'est-ce que penser ? A partir de là, on montrera l'intérêt du double éclairage pour construire une critique philosophiquement construite du transhumanisme. Cette critique renvoie dos à dos les "technoprophètes", qui affirment la valeur du transhumanisme tout autant que les "technophobes", qui le condamnent sans appel. Elle conduit à marquer le territoire de l'emprise technique en délimitant son périmètre d'action possible.

              Exposé : Kirgoua Yabre sur Soi-même comme un autre de Paul Ricoeur

              • 12 novembre

                Histoire générale du transhumanisme

                On reprendra les principaux aspects de l'histoire du transhumanisme : histoire de la création du mot « transhumanisme » lui même, avec Julian Huxley, ce qui conduira à reprendre le parcours de ce dernier (petit-fils de Thomas Huxley, proche ami de Darwin et propagandiste de ses thèses). On dégagera ainsi le sens initial du mot transhumanisme. On s'attachera ensuite à suivre les premières élaboration de Max O'Connor, qui deviendra Max More, et son concept d'extropie. On montrera comment ce concept est devenu le cœur de la notion de transhumanisme. On dégagera les thèmes principaux de ce courant de pensée entre allongement de la durée de la vie et transfert de la personnalité sur des supports non biologiques. On soulignera le lien entre ces conceptions et celles de Derek Parfit, l'auteur de Reasons and persons, qui joue un rôle central dans la définition des objectifs du transhumanisme.

                Exposé : Corentin Bayard sur Nietzsche : Cinq scénarios pour le futur de Philippe Granarolo


                • 19 novembre

                  L'intelligence artificielle et sa définition comme "reconnaissance de formes"

                  Une critique du transhumanisme initiée par ceux-là même qui lui fournissent ses principaux arguments peut être trouvée dans les travaux de Yann Le Cun et de Stanislas Dehaene qui jugent tous deux (dans La plus belle histoire de l'intelligence, un livre de dialogue entre les deux spécialistes) que les spéculations des transhumanistes sont de peu de valeur. Pourtant, l'un et l'autre considèrent qu'une machine est susceptible de penser et réfléchissent aux conséquences de cette situation qui ne manqueront pas, à leur avis, de se présenter dans les années qui viennent (un thème traditionnel du transhumanisme). Il semble donc que nous ayons affaire ici à une contradiction. Mais Le Cun et Dehaene visent sans doute, dans leur critique, les extrapolations les plus futuristes des transhumanistes (transfert de la conscience, immortalité, etc.). Pourtant, les bases philosophiques qu'ils développent partagent de nombreux présupposés avec ceux des transhumanistes, même si ils restent plus prudents sur leur application. Leur discussion est ainsi l'occasion de revenir aux questions les plus fondamentales que soulèvent l'intelligence artificielle, laquelle sera au centre de l'attention au cours de cette séance et de la suivante. L'une des questions centrales qui se posent est de savoir si une machine pourrait éprouver des émotions. Cette question, si elle est menée dans la perspective des réflexions phénoménologiques, pourrait conduire à une mise en évidence plus précise des présupposés de l'intelligence artificielle. Celle-ci s'est définie comme "reconnaissance de formes", conformément à une conception de l'intelligence qui remonte à Platon. On reprendra ces conceptions pour souligner la parenté entre les deux conceptions mais aussi leurs différences.

                  Exposé : Julien Iglésias sur Au cœur de l’intelligence artificielle, des algorithmes à l’IA forte d'Axel Cypel

                  • 26 novembre

                    Problématiques associées à la notion d'intelligence artificielle

                    À partir de la pièce de théâtre de Tom Stoppard intitulée The hard problem, on reprendra la problématique de l'intelligence artificielle. On soulignera l'importance des émotions dans l'intelligence naturelle pour s'interroger sur la place que celle-ci peut avoir dans une intelligence artificielle. On posera le problème des différences entre intelligences artificielles et naturelles en identifiant quatre grands aspects de ces différences : 1) l'IA n'a pas accès à un monde, 2) l'IA n'a pas de rapport au passé et au futur, 3) l'IA n'a pas d'émotions, 4) l'IA n'a pas de corps. On reprendra les analyses proposées par Yann Le Cun portant ce qu'il nomme les "modules" qui pourraient venir compléter l'IA actuelle pour l'approcher davantage de l'intelligence naturelle : « on pourrait réduire un système intelligent à trois modules essentiels : un module de perception qui essaie d’estimer l’état du monde à partir de ses perceptions (une estimation toujours plus ou moins inexacte) [un module monde ou « sens commun »] ; un module agent, qui produit des actions et agit sur le monde [module qui possède une relation au passé et au futur, qui fait des projets, etc.] ; un module objectif qui calcule si, d’une certaine manière, l’agent est dans un état « heureux » (satisfait) ou pas [module émotion]. On suivra les analyses de John Searle qui ont conduit à distinguer IA forte et IA faible dans un article publié en 1980 (Esprits, cerveaux et programmes : disponible sur le site du département). On montrera comment des chercheurs en informatique abordent aujourd'hui cette question en suivant les analyses de Vincent Bérenger présentées dans le livre Intelligence naturelle et artificielle : une anatomie comparée.

                    Exposé : Adélaïde Perroux sur La nature numérique de l'homme de Charles Perez

                  • 3 décembre

                    Les limites de l'intelligence artificielle

                    Pour examiner les limites de l'IA, on suivra les réflexions présentées par Vincent Bérenger dans son livre Intelligence artificielle et naturelle : une anatomie comparée. On reprendra un certain nombre de points identifiés par Bérenger comme l'accès à un monde, l'accès à un sens, l'accès à des émotions et l'accès à un corps pour montrer que si ces différents accès ont été pensée par la phénoménologie, ils ont également été pensés par le structuralisme. On reprendra l'histoire parallèle du structuralisme et de la phénoménologie au vingtième siècle pour faire ressortir les différences entre ces deux approches. On montrera qu'on peut tirer de ces débats une leçon qui touche directement la question des limites de l'IA. En effet, à supposer qu'on entende réaliser une IA forte (telle que celle-ci a pu être définie par l'analyse de Searle présentée au cours précédent), celle-ci devrait-elle être de type structuraliste ou phénoménologique ? Qu'implique, pour la conception de l'homme, le fait que ces deux options philosophiques se soient combattues sans parvenir à identifier une position de compromis ?

                    Exposé : Jean-Noël Kei sur L'être et l'écran de Stéphane Vial

                    • 10 décembre

                      Transhumanisme et biologie

                      Pendant la période qui voit le développement des principales thèses transhumanistes (donc après la Seconde Guerre mondiale), la biologie a connu un développement très important, parallèle au développement de l'informatique. On peut dater de 1953 le point de départ d'une conception qui allait profondément renouveler les conceptions biologique avec la naissance de la biologie moléculaire. Parmi les autres dates remarquables, on peut retenir 1961 (la régulation de l'information génétique), 1973 (le génie génétique), 1997 (le clonage chez les mammifères), 2012 (le système CRISPR-Cas9). Tout ceci conduit à envisager de nouveaux modes d'intervention sur l'homme qui concernent non plus la manière dont il pourrait reproduire son intelligence mais la manière dont il pourrait modifier son corps. Parmi les déterminants corporels qui sont les plus intimement liés à l'être social de l'homme figurent les déterminants propres à la reproduction qui assignent à chaque sexe une fonction spécifique. On verra que cette assignation de fonction est sur le point d'être modifiée par l'usage croisé des techniques qui dérivent de ces innovations.

                      Exposé : Josselyn Lepever sur L'eugénisme, la science et le droit de Catherine Bachelard-Jobard

                      • 17 décembre

                        Examen (3 h)